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Fluorescence et machine learning : comment VitaDX transforme la détection précoce du cancer de la vessie

Innovation Article publié le 07 janvier 2021 , mis à jour le 07 janvier 2021

La start-up VitaDX développe une solution pour le diagnostic précoce du cancer de la vessie. Elle repose sur la fluorescence, une technologie développée à l’Institut des sciences moléculaires d’Orsay (ISMO – Université Paris-Saclay, CNRS), et sur le machine learning. Partie d’une idée ambitieuse, imaginée par des chercheurs et ingénieurs complémentaires, la start-up est aujourd’hui une « success story » très prometteuse. 

Une partie de la technologie de VisioCyt®, le produit développé par VitaDX, est issue de recherches effectuées au sein de l’Institut des sciences moléculaires d’Orsay (ISMO – Université Paris-Saclay, CNRS) entre 2008 et 2012. Marie-Pierre Fontaine-Aupart, chercheuse au sein de cette structure, développe durant cette période une technique d’imagerie médicale, qui consiste à observer au microscope à fluorescence des cellules extraites d’un échantillon d’urine et déposées sur une lame de microscope. Il s’agit d’exciter, à l’aide d’une lumière émise à une certaine longueur d’onde, les composants d’une coloration classiquement utilisée en cytologie urinaire et présents dans ces cellules, pour que celles-ci émettent en retour de la fluorescence.

L’analyse médicale par fluorescence transforme l’examen de la cytologie urinaire

Au cours d’un travail sur un projet commun avec le professeur Pascal Eschwege, chirurgien urologue à l’hôpital du Kremlin Bicêtre, la chercheuse prend conscience que la détection des cancers « bas de grade » (en phase précoce) de la vessie est lacunaire, et que sa technologie peut y remédier. En effet, lorsqu’un urologue prescrit une cytologie urinaire à un patient - un examen qui permet de diagnostiquer la présence de cellules tumorales - les résultats ne sont pas toujours suffisamment précis. Dans le cas où un doute subsiste, le médecin réalise une endoscopie. Mais cet examen est invasif et peut parfois provoquer des infections urinaires, ou même, dans de rares cas, donner lieu à des perforations de la vessie. Il est par ailleurs souvent inutile, car, dans environ 70 % des cas, l’examen révèle que le patient ne souffrait d’aucune pathologie. Or la technique développée par Marie-Pierre Fontaine-Aupart peut facilement discriminer le caractère tumoral ou sain des cellules urothéliales (issues des parois de la vessie) par la localisation de la fluorescence dans ces cellules. En proposant une alternative inédite d’examen médical, cette innovation transforme la cytologie urinaire.

La genèse de la création de VitaDX 

En 2012, Marie-Pierre Fontaine-Aupart est impliquée dans un autre projet de transfert de technologie auprès d’une entreprise localisée au Villejuif Bio Park (pépinière d’entreprises et d’activités du secteur de la santé et des biotechnologies). Elle y rencontre fortuitement Allan Rodriguez, alors associé de Tech2Market, un cabinet de conseil spécialisé dans l’accompagnement de start-up, dont il dirige l’activité santé. Avec Pascal Eschwege, ils recrutent Thibaut Troude, diplômé de l’Institut d’Optique Graduate School (établissement-composante de l’Université Paris-Saclay), et de l’Université Paris-Sud (fusionnée avec l’Université Paris-Saclay en janvier 2020), qui débute son activité au sein de l’ISMO.

En 2015, une fois la méthode d’imagerie brevetée, l’équipe décide de répondre à un appel à projets de maturation de la SATT Paris-Saclay et de l’ONERA (Office national d'études et de recherches aérospatiales) pour réaliser des développements nécessaires au transfert technologique de son invention. Puis, l’équipe réalise qu’elle doit optimiser sa solution : « Nous étions conscients qu’un passage par l’automatisation, grâce au machine learning, était indispensable pour transférer cette découverte scientifique vers un produit technologique innovant, car un œil humain ne peut pas passer en revue des milliers de cellules. Certaines présentent de très petites atypies, ce qui rend le diagnostic délicat », précise Thibaut Troude.

VitaDX, la start-up qui allie les technologies de fluorescence et de machine learning naît dans la foulée. Allan Rodriguez en devient le directeur général, Marie-Pierre Fontaine-Aupart la directrice scientifique, Thibaut Troude le directeur technique, et Pascal Eschwege le directeur médical. Grâce à une première levée de fonds - la start-up en a réalisé quatre en cinq ans, auprès d’investisseurs privés individuels et de fonds d’investissement, pour un montant total de huit millions d’euros - ils recrutent une équipe spécialisée en traitement d’images et en machine learning, ainsi qu’en marketing, avec Charlotte Guinard, ingénieur en biosciences et chef de produit. Elle est en charge du marketing des produits de VitaDX - qui consiste à travailler sur les caractéristiques, le positionnement, et les spécifications du produit -  en particulier VisioCyt®, le logiciel dédié au diagnostic du cancer de la vessie et qui obtient le marquage CE en février 2020. Ce logiciel analyse des cellules provenant d’échantillons urinaires en lumière blanche et en fluorescence grâce à des algorithmes de traitement d’images basés sur de l’intelligence artificielle. Avec la technologie du machine learning, l’analyse s’améliore au fur et à mesure de l’utilisation du logiciel.

Une start-up en pleine expansion et débordante d’ambitions

Aujourd’hui, la start-up compte vingt employés : développeurs, data scientists, biologistes, marketeurs, ou encore qualiticiens, basés à Paris 15e et à Rennes. Les financements obtenus par l’entreprise ont notamment permis de réaliser un premier essai clinique de collecte de données sur lesquelles les algorithmes ont appris. « Nous collaborons actuellement avec plusieurs hôpitaux partenaires, qui nous fournissent des échantillons urinaires pour mettre en œuvre notre solution dans un environnement de contrôle, au sein de notre plateau technique, afin de réaliser les analyses en conditions réelles », commente Charlotte Guinard. La start-up collaborera également avec de grands laboratoires d’analyse centralisés. « Nous avons signé un accord de pré-commercialisation avec Cerba, un des plus grands laboratoires européens, présent dans de nombreux pays, et nous sommes aussi en discussion avec d’autres structures européennes », précise Charlotte Guinard.

VitaDX s’intéresse par ailleurs au marché américain et a déjà noué des liens avec quelques laboratoires certifiés CLIA (Clinical Laboratory Improvement Amendments) afin de déployer sa solution sur le territoire. La start-up travaille sur une stratégie règlementaire pour obtenir une approbation de la Food and Drug Administration (FDA).  Et enfin, comme la technologie de VitaDX peut être adaptée à la détection de maladies pour différents organes, l’équipe pense déjà à étendre sa solution pour le diagnostic d’autres cancers en phase précoce. « Il faudra bien sûr que nous étudions, en accord avec nos investisseurs, le marché et ses besoins en amont, avant de lancer ce type de stratégie. Mais nous sommes confiants dans les multiples opportunités qu’offre VisioCyt® », conclut Thibaut Troude.