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Imager la rotation d’une molécule adsorbée sur une surface

Collaboration entre J.Schaffert, M.C.Cottin, A.Sonntag, H.Karacuban, C.A.Bobisch et R.Möller du CeNIDE à Duisburg-Essen, N.Lorente du CIN2 à Barcelone et J.P.Gauyacq de l’ISMO

Nature Materials 12 (2013) 223

Lorsqu’une molécule est adsorbée sur une surface, elle peut être imagée par microscopie à effet tunnel (STM) : la variation spatiale du courant tunnel fournit alors une ‘image’ de la molécule ou du moins de ses propriétés électroniques. Mais le passage à travers la molécule des électrons tunnel peut aussi modifier la molécule : l’électron peut céder de l’énergie pour exciter la molécule ou pour la déplacer sur la surface. De nombreux exemples de manipulation d’adsorbats par une pointe STM ont ainsi été décrits dans la littérature. Un développement expérimental spectaculaire récent du groupe de Duisburg-Essen a permis d’analyser très finement une telle manipulation et de l’imager en temps réel simultanément avec l’image topographique. Pour ce faire, le groupe de R.Möller a mis au point une analyse de la fluctuation (bruit télégraphique) du courant tunnel à travers une molécule, permettant de révéler la manipulation induite par les électrons tunnel (SNM : Scanning Noise Microscopy).

Une molécule de Cu-phthalocyanine présente quatre lobes, équivalents dans la molécule libre. Cette molécule peut s’adsorber individuellement sur une surface de Cu(111), mais la symétrie de la surface ne permet pas aux quatre lobes de la molécule de se positionner au dessus de quatre régions équivalentes de la surface. Ceci a pour effet de lever la dégénérescence des quatre lobes de la molécule. Cet effet est à peine visible sur l’image topographique de la molécule (à gauche ci-dessous, ‘Topo’) ; deux lobes opposés ont un aspect granuleux plus fort que les deux autres.

Cette granulation de l’image est due à une fluctuation du courant tunnel lorsque l’électron passe à travers ces deux lobes. La fluctuation a été interprétée comme le résultat d’une rotation de la molécule induite par les électrons tunnel. Un calcul DFT a montré l’existence d’une configuration métastable de la molécule tournée de 7° par rapport à sa position d’équilibre. On a donc affaire à un système quasi-bistable qui fluctue entre deux positions sous l’action des électrons tunnel. La figure de droite (‘Rate’) montre la répartition spatiale expérimentale du taux de rotation de la molécule induite par les électrons tunnel. La différence entre les lobes de la molécule est alors flagrante : seuls deux lobes sont actifs dans la rotation de la molécule.

Le processus de rotation induite par électron tunnel a été étudié théoriquement à partir du traitement DFT du courant tunnel. La rapidité de passage de l’électron à travers la molécule comparée au mouvement de rotation de la molécule permet d’utiliser une approximation soudaine très bien adaptée à ce problème de transfert de moment angulaire entre électron et molécule. La localisation du processus est présentée ci-dessous, superposée à une image schématique de la molécule (cercles) montrant les quatre lobes. Le calcul ab initio reproduit très bien la grande sélectivité géométrique de l’excitation de la rotation, seuls deux lobes sont pratiquement actifs.

Ces résultats illustrent bien toute la puissance de la SNM (Scanning Noise Microscopy) pour déterminer quantitativement l’action d’électrons tunnel sur un adsorbat ainsi que la possibilité actuelle de pouvoir quantitativement rendre compte de la manipulation d’une molécule de taille notable par une approche ab initio.