C’est avec une immense tristesse que nous vous faisons part du décès de François et Joëlle Rostas, qui nous ont quittés dans la nuit du vendredi 14 au samedi 15 juin, à l’âge de 84 et 85 ans.

François Rostas était ancien élève de l’Ecole de Physique et Chimie Industrielle de la Ville de Paris (ESPCI) et Docteur es-Sciences Physiques de l’Université de Paris. Après un passage de six ans au Centre de Recherche de la Compagnie Générale d’Electricité à Marcoussis, il est entré au CNRS et a mené ensuite toute sa carrière scientifique à l’Observatoire de Paris, sur le site de Meudon.

Joëlle a fait ses études à la Sorbonne. Entrée au CNRS en 1961, elle a effectué, avec François, un stage à l’Université d’Illinois à Urbana-Champaign en 1961-62. Elle a rejoint l’équipe de Sydney Leach, qu’elle a suivi à Orsay lorsqu’il a créé le Laboratoire de Photophysique Moléculaire en 1967. Elle fait ainsi partie des fondateurs de ce laboratoire. Elle a reçu en 1969 la Médaille de Bronze du CNRS pour ses travaux de thèse.

Brillant physicien, François Rostas a été très actif à l’interface Physique – Astrophysique. Il a été à l’origine de nombreux projets de son équipe de physique expérimentale. Après des travaux sur l’élargissement des raies spectrales par collisions avec des atomes neutres, dont les atomes d’hydrogène, il s’est consacré à la spectroscopie moléculaire VUV et à la photodynamique des petites molécules. Il a apporté une contribution inestimable, très abondamment citée, à l’étude de la photoabsorption et la photodissociation de la molécule CO, qui joue un rôle majeur dans le milieu interstellaire et les environnements circumstellaires. Il a assumé de nombreuses responsabilités au sein de l’Observatoire. Il a en particulier été directeur du Département d’Astrophysique Fondamentale (1978-1981), puis Vice-Président de l’Observatoire (1981-1983). Sur le plan international, il a été membre actif de l’International Astronomical Union, dans la Commission 36 « Théorie des atmosphères stellaires », et surtout Vice-Président puis Président de la Commission 14 « Données atomiques et moléculaires ». Il a organisé plusieurs conférences dont la conférence
internationale « Spectral Line Shapes » en 1984 à Aussois et une « Joint Discussion » à l’Assemblée Générale de l’UAI de Manchester en 2000.

Joëlle a été une spectroscopiste de renommée internationale. Elle a collaboré avec les meilleurs spécialistes internationaux, comme John Hougen, Harry Kroto (prix Nobel de chimie 1996) et Jim Watson, rencontrés au cours d’un séjour à Ottawa dans le laboratoire de Gerhard Hertzberg (prix Nobel de chimie 1971), ainsi que Robert W. Field (MIT), Mark A. Johnson (Yale) ou Richard N. Zare (Stanford). Elle a toujours entretenu des relations amicales avec tous. Elle a été co-auteure en 1975 d’un article du Journal of Molecular Spectroscopy (cité 793 fois) qui définit les deux classes de symétrie de parité gouvernant structure des molécules linéaires. Spécialiste de spectroscopie électronique à haute résolution, incluant la structure rotationnelle, elle analysait les perturbations entre états électroniques et leur effet sur la dynamique des molécules. Ouverte aux applications de la spectroscopie, elle s’est notamment impliquée dans l’étude de spectres de fragments moléculaires issus de collisions d’atomes excités avec des molécules, et dans l’étude d’ions moléculaires d’intérêt astrophysique et atmosphérique.

Joëlle, au laboratoire de Photophysique Moléculaire à Orsay et François, à l’Observatoire de Paris, ont formé de nombreux étudiants, dont plusieurs sont aujourd’hui Directeurs de Recherche ou Professeurs. Tous ont profondément apprécié leur disponibilité exceptionnelle, leur écoute attentive et leur rigueur. Ils savaient stimuler leurs élèves en proposant constamment de nouvelles pistes de recherche. A l’occasion de leur départ à la retraite, un colloque organisé en leur honneur en 2003 avait été intitulé « Photodynamique et Astrophysique, un couple uni par la spectroscopie », un clin d’œil.

François et Joëlle Rostas avaient une vaste culture. Ils aimaient particulièrement le théâtre et la musique. Leurs élèves et collègues les appréciaient pour leur sens des responsabilités, leur bienveillance, leur humour et toutes leurs qualités humaines. Ils vont beaucoup nous manquer. Nous ne les oublierons pas.
A leur fille Véronique, à leur fils Laurent et à leurs proches, nous présentons nos plus sincères condoléances.

Bernard Bourguignon, directeur de l’ISMO