Une équipe internationale, dont des chercheurs du CNRS – Emmanuel Dartois de l’ISMO et Jennifer Noble du PIIM – a pu mesurer la composition de glaces interstellaires dans les régions les plus sombres et les plus froides d’un nuage moléculaire mesuré à ce jour, grâce aux observations du télescope spatial James Webb (JWST) de la NASA/ESA/CSA. Ce résultat, publié dans Nature Astronomy permet aux astrophysiciens de préfigurer les molécules de glace simples qui seront potentiellement incorporées dans les futures exoplanètes, tout en ouvrant une nouvelle fenêtre sur l’origine de molécules plus complexes qui sont le point de départ pour la formation des premières briques élémentaires d’intérêt prébiotique.

Voir le Communiqué de presse de la NASA
Voir le Communiqué de presse de l’ESA

Les glaces sont un ingrédient essentiel à la construction d’une planète car elles sont de bons vecteurs d’éléments légers tels que le carbone et l’oxygène qui seront intégrés dans des atmosphères planétaires et sont à la base de la chimie des molécules prébiotiques comme les sucres, les alcools et les acides aminés simples. Dans des régions ténues de l’espace, les grains de poussière glacés offrent un cadre unique pour la rencontre des atomes et des molécules, ce qui peut promouvoir des réactions chimiques à l’origine de la formation d’espèces moléculaires.
Dans cette étude, l’équipe a ciblé les glaces enfouies dans une région particulièrement froide, dense et difficile à étudier du nuage moléculaire Chameleon I, une région située à environ 600 années-lumière de la Terre et qui est actuellement en train de former des dizaines de jeunes étoiles. L’étude a permis un inventaire détaillé des glaces les plus profondément enfouies mesurées à ce jour dans un nuage moléculaire. En plus des glaces simples comme l’eau, ainsi que des isotopes normaux et lourds du dioxyde de carbone et du monoxyde de carbone, l’équipe a pu identifier plusieurs autres espèces condensées, notamment l’anion cyanate, le sulfure de carbonyle – observé pour la première fois dans un nuage dense – et la première molécule organique considérée comme complexe dans l’espace qu’est le méthanol. Il s’agit du recensement le plus complet à ce jour des ingrédients glacés disponibles pour fabriquer les futures générations de planètes, avant qu’ils ne soient chauffés durant la formation des jeunes étoiles.

Cette recherche s’inscrit dans le cadre du projet « Ice Age », l’un des 13 programmes « Early Release Science » du JWST porté par le Dr Melissa McClure, astronome à l’Observatoire de Leiden. Ces observations sont conçues pour présenter les capacités d’observation du JWST et permettre à la communauté astronomique d’apprendre comment tirer le meilleur parti de ses instruments. L’équipe de « l’âge de glace » a déjà planifié d’autres observations, et espère retracer le parcours des glaces depuis leur formation jusqu’à l’assemblage de potentielles comètes glacées.
Cette recherche est décrite dans un article récemment publié dans la revue Nature Astronomy et fait l’objet de communiqué NASA, ESA, STSCI.

Spectres de l’une des lignes de visée d’une étoile en arrière-plan du nuage du Chameleon I obtenus avec plusieurs instruments du JWST (NIRSpec et NIRCam) permettant de sonder et de faire un inventaire détaillé des glaces les plus profondément enfouies mesurées à ce jour dans un nuage moléculaire.
Cette image prise par la Near-InfraRed Camera (NIRCam) du télescope spatial James Webb de la NASA/ESA/CSA montre la région centrale du nuage moléculaire sombre Chameleon I, situé à 630 années-lumière. La matière froide et vaporeuse du nuage (bleu, centre) est éclairée dans l’infrarouge par la lueur de la jeune proto-étoile Ced 110 IRS 4 (orange, en haut à gauche). La lumière des nombreuses étoiles de fond, que l’on voit sous forme de points orange derrière le nuage, peut être utilisée pour détecter les glaces dans le nuage, qui absorbent la lumière des étoiles qui les traversent.