Première cartographie à haute résolution spatiale des glaces les plus abondantes d’un nuage moléculaire obtenue à l’aide d’une technique spécialisée avec l’instrument NIRCam du JWST.

© Z.L. Smith (Leiden University/Open University), J.A. Noble (CNRS/Aix Marseille Université), M.F. Rashman (Open University) and the IceAge team. Image adapted from data presented in Smith et al. Nature Astronomy 2025 (doi: 10.1038/s41550-025-02511-z) and from a NIRCam image of Cha I (credit: NASA, ESA, CSA and M. Zamani (ESA/Webb); science: M.K. McClure. (Leiden University), F. Sun. (Steward Observatory), Z.L. Smith. (Open University) and the IceAge ERS team).

Depuis son lancement, les observations du JWST des régions froides et denses de la galaxie ont révolutionné notre compréhension de la manière dont les molécules simples se forment sous forme de glaces interstellaires sur les grains de poussière et continuent d’évoluer au cours du processus de formation des étoiles et des planètes. Jusqu’à présent, les observations du JWST collectant des spectres contenant des signatures de ces particules de poussière glacée ont principalement étudié des étoiles individuelles en formation, révélant de manière incroyablement détaillée l’évolution de l’environnement chimique et physique de chaque étoile en formation. Pour comprendre les environnements chimiques et physiques initiaux dans lesquels ces étoiles se forment et déterminer finalement quelles quantités de ces molécules simples sont disponibles pour être livrées aux systèmes planétaires en formation, il est essentiel de sonder la chimie dans l’ensemble des nuages moléculaires – les pouponnières interstellaires où les étoiles naissent. Il faut donc obtenir des dizaines ou des centaines d’observations de ces glaces dans différentes parties du nuage moléculaire, obtenues en mesurant la lumière d’étoiles situées derrière le nuage à grande distance, appelées étoiles d’arrière-plan. Cette lumière interagit avec les grains de glace interstellaire lorsqu’elle traverse le nuage avant d’être captée par le grand miroir du JWST. Ces interactions impriment des signatures spectrales que nous utilisons pour découvrir où et combien de glace sont présentes à chaque position sondée du nuage moléculaire. L’un des principaux objectifs du programme IceAge, dirigé par Melissa McClure de l’Observatoire de Leiden, était de démontrer qu’un mode spécialisé de l’instrument NIRCam du JWST pouvait être utilisé pour sonder le nuage moléculaire Chamaeleon I à des dizaines de positions simultanément en une seule observation efficace. L’équipe a ainsi pu établir des cartes complètes de la chimie de la glace dans le nuage.

Dans la dernière publication de l’équipe IceAge, menée par Zak Smith de l’Observatoire de Leiden et Open University, nous présentons les premières cartes à fort échantillonnage spatial des espèces de glace les plus abondantes – eau, dioxyde de carbone et monoxyde de carbone – dans un nuage moléculaire. Ces glaces sont les précurseurs chimiques clés qui définissent les conditions initiales de la chimie des disques protoplanétaires qui se forment autour des nouvelles étoiles dans ces régions et, en fin de compte, contribueront à l’habitabilité potentielle des exoplanètes qui peuvent se former dans un disque. Il est donc essentiel de cartographier avec précision la façon dont la chimie de la glace évolue dans la région du nuage moléculaire qui s’effondrera dans le matériau du disque. Ces cartes de glace sont les premières jamais réalisées par le JWST et ont été obtenues en utilisant un mode spécialisé du télescope NIRCam (Wide Field Slitless Spectroscopy) qui a nécessité le développement d’un logiciel spécialisé pour extraire les données spectrales infrarouges. Cette technique de cartographie représente un changement radical dans notre capacité à observer et à détecter la glace dans l’espace, et constitue une utilisation nouvelle (et actuellement sous-exploitée) de la capacité technique, de la sensibilité et de la résolution spatiale et spectrale du JWST. Notre technique, qui combine la spectroscopie infrarouge à haute sensibilité et une méthode d’extraction dédiée, nous permet de cartographier les glaces à des échelles spatiales proches de celles couramment utilisées pour cartographier la chimie en phase gazeuse dans les nuages grâce à la radioastronomie. Nous pouvons ainsi sonder les changements à la fois dans la glace et dans le gaz, ajoutant la pièce manquante du puzzle pour comprendre pleinement la chimie de l’ensemble du nuage.

Ces résultats ont permis de découvrir que les phénomènes astrophysiques locaux qui se produisent dans les nuages moléculaires ont un impact sur l’abondance relative des glaces les plus simples mais essentielles, y compris l’eau. Avant le JWST, un petit nombre d’observations de ces nuages glacés laissait supposer que plus il y avait de poussière, plus les glaces se développaient. Nos cartes, qui échantillonnent plus complètement le nuage Chamaeleon I, révèlent que ces grandes généralisations sur la formation de glace doivent maintenant être traitées avec prudence lors de l’étude de la chimie dans les nuages moléculaires, puisque nous observons des variations locales dans l’abondance des glaces. Ces travaux ouvrent une nouvelle fenêtre sur l’étude des régions de formation d’étoiles, cette technique de cartographie pouvant être appliquée aux observations de nombreux autres nuages ou d’autres régions d’un même nuage. Dans le cadre du prochain programme CHEERIO dirigé par Smith, la bordure du nuage Chamaeleon I sera cartographiée afin de rechercher la formation initiale de molécules, comme l’eau, à la transition entre les régions diffuses et les régions denses, où la chimie est influencée par le rayonnement à haute énergie du milieu interstellaire. En fin de compte, la cartographie des glaces nous permettra de comprendre les origines chimiques des variations d’abondance des glaces dans les nuages, ainsi que la façon dont les molécules glacées évoluent tout au long de leur voyage des nuages moléculaires jusqu’aux disques protoplanétaires et aux planètes.

Contacts:

Zak Smith, zsmith at strw.leidenuniv.nl

Jennifer Noble, jennifer.noble at univ-amu.fr

 

Reference:

Smith et al. ‘Cospatial ice mapping of H2O with CO2 and CO across a molecular cloud with JWST/NIRCam,’ Nature Astronomy 2025, doi: 10.1038/s41550-025-02511-z

https://www.nature.com/articles/s41550-025-02511-z