Responsable : Hocine Khemliche (CR)

Participants : Elena M. Casagrande (MCF), Anouchah Momeni (MCF)

Doctorants : Christian Sonny

Précédents contributeurs :

Introduction

Jusqu’à un passé récent, un atome d’hélium d’énergie proche du keV diffusant sur la surface d’un solide avait toujours été traité comme un objet classique du point de vue de sa trajectoire. A titre d’exemple, selon le postulat de Louis de Broglie (dualité onde-corpuscule, 1924), un atome d’hélium de 1 keV peut être décrit comme une onde avec une longueur d’onde λdB=0.45 pm. C’est précisément à cause de cette très faible valeur, comparée par exemple à l’amplitude de vibration (quelques pm) des atomes de la surface ou bien au paramètre de maille des cristaux (quelques Å), que l’idée qu’un tel atome pourrait montrer un comportement ondulatoire n’avait même jamais été envisagée. On pensait alors que la vibration des atomes induirait une série de déphasages aléatoires, et donc une perte de cohérence, qui bloquerait le phénomène d’interférences telles qu’elles peuvent être observées avec des fentes d’Young ou un réseau de diffraction.

Toutes ces considérations ont été démenties depuis notre observation fortuite, en 2003, de la diffraction d’atomes et molécules (H, He, H2) rapides diffusés par la surface de cristaux ioniques (NaCl, LiF). C’est curieusement avec ces mêmes systèmes que Estermann et Stern avaient observé pour la première fois (1930) le caractère ondulatoire d’atomes et molécules d’énergie thermique (20-100 meV).

Peu après, des observations similaires ont été faites par le groupe de Helmut Winter à Berlin.

Comparatif des différents régimes de diffraction.

Depuis cette découverte, nous avons travaillé selon deux directions complémentaires :

  • -décrire et comprendre les fondements de ce nouveau régime de diffraction, identification des processus de décohérence et meilleure description du potentiel d’interaction atome-surface.
  • -développer un instrument compact et rapide afin d’appliquer cette diffusion quantique à la caractérisation de surfaces et plus précisément au suivi de croissance de couches minces en temps réel. Cette démarche a donné naissance à une nouvel instrument, breveté en 2006 et baptisé GIFAD pour Grazing Incidence Fast Atom Diffraction.

La récente thématique « couches minces » de l’équipe Nanophysique & Surfaces est donc un prolongement naturel de la période passée, elle repose principalement sur la technique GIFAD pour révéler en temps réel la dynamique d’organisation d’atomes et molécules sur une surface solide. Il s’agit plus précisément de décrire le mode de croissance, les propriétés structurales (ordre cristallin, paramètres de maille, orientation par rapport au substrat) et les éventuelles transitions de phase.

Nous nous intéressons en particulier aux interfaces hybrides de type organique-inorganique ou isolant-métal car l’étude de ces hétérostructures par les méthodes usuelles (diffraction d’électrons ou de rayons-X) n’est pas aisée à cause de leur fragilité vis-à-vis des rayonnements ionisants.

Afin de compléter l’information fournie par la diffraction d’atomes rapides, un spectromètre de masse quadripolaire peut également être opéré en temps réel pendant la croissance. En détectant les espèces désorbées de la surface, il permet de suivre l’évolution du coefficient de collage, paramètre servant de signature des interactions adsorbat-adsorbat et adsorbat-substrat. En fin de croissance, il peut apporter une information complémentaire sur la stabilité de la couche.

D’autres outils originaux, en cours de développement, pourront fournir des informations sur la structure électronique et la composition chimique de la couche mince en cours de croissance. La combinaison de tous ces outils permettra d’une part de mieux comprendre le lien entre les paramètres de croissance (flux, mode de préparation et température du substrat) et la structure finale et d’autre part d’affiner notre compréhension du lien entre structure et propriétés.

Dernier résultat marquant :

Evolution, pendant le dépôt de molécules de pérylène sur Ag(110), du motif de diffraction d’atomes d’hélium de 300eV. La tache centrale horizontale correspond à l’ordre 0, son intensité est normalisée à une valeur constante. L’apparition d’ordres de diffraction élevés signe la présence d’un ordre cristallin à longue distance. La courbe superposée montre l’évolution de la réflectivité du faisceau GIFAD. A faible densité, les molécules forment une couche très diluée, comparable à une phase gazeuse car les molécules sont très mobiles. Le pic de réflectivité vers 1600s signe la présence d’une couche, partiellement liquide, qui mouille parfaitement le substrat. La chute inhabituelle qui apparait sur la réflectivité à 2300s correspond à une cristallisation ultra-rapide de la monocouche.

Cristallisation ultra-rapide d’une monocouche organique.